
Vernissage le samedi 14 juin 2014
de 18h30 à 21h
Exposition du 14 juin au 22 juillet 2014
Centre céramique contemporaine La Borne
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Depuis 2003, Marie Preston développe son travail artistique en engageant diverses activités dans des territoires spécifiques où la collaboration avec des personnes extérieures fait partie de son processus de travail. À La Borne, l’artiste s’est intéressée au lieu et à cette longue tradition qui s’y perpétue, mais aussi à l’évolution des motivations et des pratiques des céramistes y exerçant. Sa présence dans le village et ses environs l’a amenée à faire la connaissance de céramistes mais aussi à se déplacer sur certains sites d’extraction de la glaise encore ou non en activité, afin de penser une production qui s’inscrive en cohérence avec le territoire, son histoire, sa géographie et son économie locale.
Marie Preston porte un intérêt à l’anthropologie et aux pratiques artisanales ainsi qu’aux objets et à leur valeur d’usage. Dès son arrivée sur le site fin juin, elle a fait connaissance avec des artistes qui ont choisi la terre comme champ d’investigation de leur travail, de leurs recherches plastiques et techniques. Ici, c’est le geste qui fait parler la terre. Malléable, élastique, elle ne refuse aucune sensibilité, aucune méthode et véhicule aussi l’empreinte de nombreux savoirs anciens. Du contenant à la sculpture, les objets produits révèlent cette nature transitoire de la terre qui fait de la céramique un art en constant dialogue avec l’artisanat.
En partant des jarres
de Georges Sybesma
C’est en effet à la forme immuable de la jarre, du pot, du vase dont Georges Sybesma tourne et crée les reliefs que Marie Preston s’est intéressée. Cette forme archétypale du contenant s’inscrit dans la filiation des productions utilitaires tournées à La Borne avant l’ère industrielle et dont le céramiste poursuit aujourd’hui la production avec l’idée d’approfondir un travail à la surface des pièces. Par des jeux de peignages profonds, de craquelures provoquées par l’étirement des parois, il travaille la peau des objets en épaisseur avant de les confronter à l’épreuve du feu, quand les oxydes et les minéraux se mélangent à l’argile et prolongent cette transformation des matières dans la glaçure. C’est aussi à cette étape, lorsque la matière devient hors contrôle, que le processus créatif se poursuit et que les recettes révèlent leurs secrets pour livrer la forme définitive de l’objet.
Terre matricielle :
le projet du four-moule
À La Borne, l’espace du feu est sacré. De nombreux fours à bois apparaissent dans les ateliers et dans le village. Les plus impressionnants sont les anciens fours qui étaient utilisés par les potiers traditionnels, que l’on nomme ici “baleines” pour leurs hautes formes arrondies surgissant de la terre, et les fours contem-porains Anagama construits eux aussi en briques mais plus bas et recouverts de terres et de paille brutes qui apparaissent comme de gigantesques contenants enterrés. Car, comme dans les pots étanchéifiés, l’émail est visible et dégouline en couches épaisses le long de leurs parois.
Le projet du four-moule que Marie Preston élabore avec Georges Sybesma fait fusionner l’idée du contenant avec le four. L’objet modelé et estampé sur la jarre du céramiste, sorte de libre moulage, décompose, inverse sa forme puisque comme le four, c’est l’aspect brut du torchis qui apparaît au-dehors de l’objet et la finesse du décor à l’intérieur. Prolongé d’un alandier et d’une cheminée, il peut en effet être fonctionnel.
Ouvert, l’objet est moule et fait apparaître l’empreinte de la jarre tournée. Fermé, il devient four et matrice potentielle, la pièce mère, le ventre, espace de gestation de la forme. Ce four, dont la forme originelle est donc la jarre, devient ensuite à son tour un support à l’estampage de nouvelles pièces idéalement utilitaires. Elles sont créées dans un nouveau jeu de moules et de contre-moules approximatif et jouent d’une forme se modifiant au fil des empreintes.
L’exposition : La Veine
Dans la campagne alentour, dans les forêts humides, Marie Preston a découvert les trous à terre où les céramistes ont prélevé leur matière pendant des siècles. Cette terre particulière et parfois teintée d’ocres vives qu’on appelle ici Crotte de chèvre a servi d’engobe aux pièces estampées. Terre collante et élastique, terre fertile qui n’a cessé d’alimenter les inspirations et le répertoire de formes des artistes, Marie Preston la positionne au cœur de son projet d’exposition. Elle compose un parcours fait de photographies, de paroles et de ses fours-moules qu’elle présente en regard des pièces estampées. L’ensemble dialogue avec une sélection de pièces de deux céramistes de La Borne. Monique Lacroix et Claudine Monchaussé participent depuis plus de cinquante ans à l’enrichissement de ce dialogue fécond que les artistes ont su créer avec la terre et sur les terres de La Borne.
Sophie Auger